Qu'appelons-nous lecture ?

Alain Dagron et Françoise Ladouès dans les studios de la radio RCF Bordeaux
Archives sur cassettes audios de l'émission Vigilance
Archives sonores sur CD de l'émission de radio Vigilance
Studio d'enregistrement de RCF Bordeaux

QU'APPELONS-NOUS LECTURE ?

On peut lire l’Evangile seul ou à plusieurs, on peut l’écouter proclamé à l’église, on peut aussi écouter un enregistrement du texte lu par un comédien. Certains le lisent comme une prière, d’autres pour effectuer une recherche théologique ou historique… 

Comment lis-tu ? ou l’intention du lecteur

« Jésus dit au légiste : ‘Dans la Loi, qu’est-il écrit, comment lis-tu ? » (Lc 10, 26)

Nous aimons lire comme on se met à table… dans l’espoir de partager un bon repas et l’espérance d’une expérience nouvelle et stimulante. Pour satisfaire leur appétit, les auteurs de ces lignes, bien différents, ont en commun le goût de s’adresser à la « bibliothèque biblique » (composée de multiples livres et d'écrits divers). Dans toute la littérature, c’est leur menu de choix. Chrétiens, ils abordent ce « corpus » immense selon l’annonce que l’on trouve au chapitre premier de la lettre aux Hébreux : « Dieu nous a parlé autrefois dans des prophètes, en mille morceaux et de multiples manières. En ces temps qui sont les derniers, il nous a parlé dans un Fils… » (Héb 1, 1).

Notre lecture se nourrit du désir d’entendre la voix de Celui qui parle dans les prophètes puis dans un Fils. Comment-lis-tu ? Quelle oreille tiens-tu ouverte pour entendre, à travers la lecture, la voix qui parle ?

La lecture à voix haute

Cette voix qui parle à travers la lecture n'est donc pas celle du lecteur lui-même, même si cette dernière peut parfois se faire médiatrice. Lors de lectures en groupe à voix haute, nous faisons régulièrement l'expérience d'entendre des choses que nous n'avions jusque-là jamais perçu dans les textes. Pour cela, la lecture de passages évangéliques, au début de certains de nos podcasts, tout en restant vivante pour mettre en relief le texte et ses détails, tente d'éviter une trop grande théâtralisation qui entraînerait l'auditeur vers des interprétations immédiates. Par exemple, dans les épisodes des « béatitudes et malédictions », quand le texte fait dire à Jésus « malheureux, vous qui... », quelle intonation donner à ce « malheureux » ? Est-ce une condamnation des personnes ou plutôt un regret, une tristesse, une lamentation, de les voir se fermer la porte du « Royaume des cieux » ? Une attention est donc portée à ne pas enfermer le texte dans des a priori de sens, mais à le laisser dynamique, en mouvement, pour laisser la place à ce que chacun a à y entendre et puisse se laisser toucher par la musique du texte.

« Les brebis écoutent sa voix (du berger) … elles le suivent parce qu’elles connaissent sa voix » (Jn 10, 4)

Le texte, rien que le texte

Dans la lecture, le texte est central. Pour ce qui est des textes anciens, nous devons en premier lieu tenir compte des sources. Ensuite, quand nous lisons un texte traduit -et c’est toujours le cas avec les textes bibliques-, il importe d’avoir confiance dans la traduction, éventuellement de la vérifier. Enfin, dans notre lecture, nous sommes particulièrement sensibles aux détails ; ce sont généralement eux qui nous alertent et nous guident au-delà de nos idées préconçues ; plus les détails nous semblent inutiles, bizarres ou insignifiants, plus ils nous indiquent, en nous permettant de déplacer notre regard, un chemin à emprunter.

Aucune lecture n’épuise le texte

Nous avons tous fait l’expérience que, lorsque nous lisons un texte important (pas une recette de cuisine ou un mode d'emploi), une lecture unique ne suffit pas. Quand nous lisons le même texte à quelques jours d’intervalle, nous voyons certains passages différemment. Si nous le reprenons en groupe, avec d’autres, d’autres pistes s’ouvrent… Et donc quand nous le relisons après plusieurs années…

Ajoutons à cela que selon nos propres dispositions, nous ne demandons pas la même chose au texte : parfois nous nous intéressons davantage à son histoire, à ses rédacteurs, au milieu politique et social dans lequel il a été écrit 1. Parfois nous sommes plus spécifiquement attentifs à son style, à sa rhétorique, aux moyens qu’il met en œuvre pour convaincre ou pour expliquer. A d’autres moments encore, nous cherchons ce qu’il peut nous dire aujourd’hui, dans une situation donnée. Il arrive que nous nous arrêtions essentiellement à la lettre, dans une lecture littérale donc, mais certains textes nous amènent très vite à chercher leur portée symbolique. Le plus souvent, nous cherchons à nous glisser dans la formulation du texte -les mots, les récits et leurs enchaînements-. Nous relevons ce qui vient nous empêcher d‘avancer dans la compréhension spontanée, des détails et des points de traduction qui nous intriguent. La lecture ensemble, « fraternelle », est alors le bien le plus précieux. Elle éveille les oreilles et le cœur, les ouvre à une nouvelle attente, de nouvelles perspectives. Le texte devient plus opaque, il faut prendre son temps… et nous cherchons à entendre résonner en nous les paroles du Royaume de Dieu 2. Un texte « fort » peut toujours être lu et relu. Aucune lecture ne l’épuise.



Notes :

1 Pour exemples, consulter sur ce site les pages "Nouveau Testament : questions d'histoire" "Les articles"


2 Pour exemples, consulter sur ce site les pages "Vigilance", "A l'épreuve des évangiles", "Itinérance", "Par un autre chemin"



Bonnes lectures à chacune et chacun

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